Algérie : Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) remonte en puissance
Alain RODIER
La récente multiplication des attaques
Depuis mai 2009, Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), anciennement appelé Groupe islamique pour la prédication et le combat (GSPC), a considérablement intensifié ses actions dirigées contre les forces de l'ordre.
– Ainsi, le 26 mai, neuf militaires ont trouvé la mort dans une embuscade qui s'est déroulée dans la région de Biskra, à 425 kilomètres au sud-est d'Alger. Cette zone dépend de la 5e région militaire d'AQMI commandée par Abdelaali Yahyaoui -alias Younes.
– Dans la nuit du 2 au 3 juin, 10 personnes dont 8 policiers, ont été tuées lors d'une embuscade tendue dans la localité de Taouint Tessemat, à 30 kilomètres au sud-ouest de Boumerdes. Cette opération a été menée par une des katibas de la 27e région d'AQMI dirigée par Rachid Abdelmoumin Abou Younis El Acimi. C'est cette zone située à l'est d'Alger qui accueille l'organe dirigeant du mouvement : le conseil des notables.
– Vraisemblablement le 31 mai, l'otage britannique Edwin Dyer – détenu depuis le 22 janvier 2009 par le groupe d'Abid Hammadou, alias Abdelhamid Abou Zeid – aurait été assassiné par ses ravisseurs. Abou Zeid est un des lieutenants de Yahia Djouadi qui dirige la 9e région qui couvre le Sahel. Cet assassinat d'un otage occidental – le premier depuis celui des moines de Tiberine, le 21 mai 1996 – est imputé au fait que Londres n'a pas voulu céder au chantage des ravisseurs qui demandaient la libération d'Abou Qoutada, l'ancien représentant de Ben Laden en Europe, actuellement en attente d'extradition vers la Jordanie. Abou Zeïd détient encore un otage pour lequel les plus grandes inquiétudes sont nourries : le Suisse Werner Geiner.
– Le 17 juin, vingt quatre gendarmes qui escortaient des employés chinois sont tombés lors d'une embuscade tendue entre les localités de El Meher et El Mansourah, dans la province de Bordj Abou Arreridi, à 180 kilomètres au sud-est d'Alger. Les assaillants sont repartis avec six véhicules de gendarmerie. Cette zone est située entre les 1ère, 2e et 5e région militaire d'AQMI. Il est donc difficile de savoir exactement quel commandant a organisé cette embuscade de grande ampleur. Il n'en reste pas moins que cela constitue l'attaque la plus meurtrière menée par le mouvement islamique algérien depuis des années.
Au moment où Ben Laden et son adjoint, le docteur Al-Zawahiri critiquent vertement le président Obama et déclarent que les musulmans doivent se préparer à une longue guerre contre les infidèles et les apostats, Abou Moussab Abdelouadoud alias Abdelmalek Droukdel, le chef d'AQMI, un mouvement associé à Al-Qaida, semble bien être repassé à l'action offensive.
Une nouvelle dynamique pour AQMI ?
La nouveauté réside dans le fait que les moudjahiddines algériens se sont remis à lancer des actions de guérilla. Cela tend à prouver que l'organisation AQMI a recouvré une certaine capacité militaire et n'est plus obligée de se contenter d'actes de terrorisme qui constituent en fait « l'arme du faible au fort ».
Les embuscades décrites ont été montées de manière très professionnelle. Au démarrage, un véhicule piégé explose au passage du convoi ennemi. Ensuite, des combattants embusqués ouvrent un feu nourri sur la colonne puis montent à l'assaut pour achever les blessés [1] et récupérer armes et matériels divers. La partie la plus difficile de ce type d'action, l'exfiltration, s'effectue ensuite sans rencontrer de problème majeur, les assaillants ne paraissant pas inquiétés par des poursuivants éventuels.
Ces opérations sont riches en enseignements. Les moudjahiddines paraissent être bien encadrés et mieux préparés que par le passé. La question se pose naturellement : quels sont ces nouveaux cadres de terrain ? D'où viennent-ils (Irak, Afghanistan, Somalie) ? Comment et où les moudjahiddines ont-ils été entraînés ?
Pour les forces de sécurité, c'est également une remise en cause profonde de la stratégie adoptée. Si les embuscades sont difficiles à éviter, il convient de maintenir des forces de réserve sur le qui vive. 24 heures sur 24, aptes à réagir à toute alerte pour traquer rapidement les agresseurs, généralement par des raids héliportés. Les convois, même de routine, doivent désormais adopter des mesures de sécurité extrêmement strictes : comme en Afghanistan, tout déplacement routier devrait être considéré comme une action de guerre. Bien évidemment, Alger se heurte là à la volonté du pouvoir politique qui prétend que l'Algérie n'est plus en situation d'insurrection. L'action psychologique est donc à revoir également ! Enfin, il faut peut-être arrêter de prétendre que les effectifs d'AQMI ne sont que de quelques centaines de partisans. A la lumière des derniers évènements, non seulement les activistes doivent être plus nombreux, mais il semble qu'ils bénéficient de nouveau – du moins dans certaines régions – d'un soutien populaire minimum qui leur fournit renseignement et aide logistique sans lesquels ils ne pourraient survivre et agir.
A court terme, l'armée algérienne devrait répliquer en lançant de vastes opérations militaires, particulièrement en zone sahélienne, en coopération avec la Mauritanie, le Mali et le Niger. Mais ne se dirige-t-on pas vers de grands coups d'épée dans l'eau qui ont eu leurs précédents dans toutes les guerres de type insurrectionnel ?
- [1] Dans ce type de guerre, faire des prisonniers est une chose rare. Cela peut être utile dans le cas de tractations qui surviennent ensuite pour le versement de rançons ou la libération d'activistes emprisonnés.